

Inutile de rappeler que le dispositif que vous mettez en place doit impérativement répondre à des objectifs stratégiques précis pour le calibrer en fonction des réels besoins et pour l'orienter de manière efficace.
A défaut de conception en alignement avec des objectifs stratégiques précis et formalisés, vous prenez du "tout venant" en matière de données brutes et vous tombez dans un travers courant dans la veille : la sublimation par l'outil et la myopie informationnelle !
A titre d'exemple, si vous n'avez pas inclut la surveillance réglementaire dans votre dispositif de veille, vous passerez à côté de bruits faibles énonciateurs de mouvements dans votre marché que vous ne serez pas en mesure d'anticiper, et si vous n'avez pas au préalable précisé qu'un de vos objectifs stratégiques est la surveillance réglementaire, le paramétrage de votre dispositif n'en tiendra simplement pas compte.
Une fois vos objectifs stratégiques de veille et de monitoring clairement établis, abordez votre projet ou auditez votre existant à partir des processus suivant, et non sous l'angle des technologies et des outils, c'est votre assurance pour vous poser les bonnes questions à tous les stades de votre projet.
#1 Le processus de détection :
Ce processus réponds à l’objectif d’identifier les signaux en relation avec le périmètre de veille établi.
Il est critique dans la mesure où il conditionne l’ensemble des processus restants et dans la mesure où il matérialise votre conception en sujets et en axes précis, si vous le ratez, vous ratez clairement votre projet de monitoring.
Un projet de veille et de monitoring se décline toujours en sous-ensembles à suivre, il est extrêmement rare de voir un projet de veille mono sujet, sauf pour le suivi des personnalités publiques, et encore.
Si la détection est exclusivement ou essentiellement assurée par un outil du marché, la dépendance est encore plus grande et l'importance de bien réussir cette phase plus cruciale.
La conception des sujets et des axes doit tenir compte des objectifs stratégique et doit se mettre au service de leur alimentation en informations et en données, le simple parcours des axes doit permettre de comprendre à quoi sert votre projet de veille et de monitoring.
Ce travail de conception est d'autant plus important qu'il va totalement conditionner toute la chaîne de traitement en aval.
Dans cette phase de détection, au delà de l'organisation générale en axes et en sujets, il y a d'autres enjeux à garder en tête pour réussir cette phase :
- La richesse des sources à explorer
- La pertinence syntaxique et sémantique des mots clés utilisés
- Leur concordance avec les habitudes de conversation des cibles pour faciliter leur identification par les outils
- La nature des exclusions mises en place et leur impact sur la détection de contenus pertinents
- Le diamètre de la mail de sélection mise en place, et son impact sur le tamisage des contenus bruts identifiés
- Et bien évidemment, l'impact des restrictions techniques des plateformes sur le champs de détection (groupes sur Facebook, Linkedin, nature des comptes sur Instagram etc.)
Cette phase du processus globale est très critique, elle conditionne la capacité de détection et d'anticipation par voie de conséquence et agit sur le temps utile pour la réaction ensuite, mais elle conditionne également toute l'organisation avale du dispositif de veille et de monitoring et la capacité de fédération des acteurs internes de l'organisation autour du projet de veille.
Ce processus est généralement contrarié par la nature des sources de conversation et de publication de contenus en lien avec le sujet de veille, un outil seul ne règle pas tous les problèmes de détection, notamment lorsque les éléments pertinents à suivre et à mesurer ensuite se passent dans des espaces fermés aux outils conventionnels, comme les groupes sur Facebook par exemple.
Il nous est arrivé de voir de grandes entreprises suivre un phénomène social par un prisme totalement déformé de lecture, en s'appuyant sur les bruits identifiés seulement dans les espaces accessibles aux outils de veille, alors que la réalité du sujet dans les espaces fermés aux outils conventionnels était toute autre !
#2 Le processus de mesure :
Ce processus réponds au besoin de mesurer avec justesse l’ampleur des phénomènes identifiés pour mesurer leur réelle proportion et faciliter l’engagement des processus de décision et d’action : si vous surévaluez un phénomène, il est possible que vous sur-réagissiez dessus et inversement bien évidemment, et c'est plus ce second cas qui est craint généralement.
Le soucis avec la veille et le monitoring est qu'on traite de la matière brute non reliée naturellement et automatiquement, et que le processus naturel de passage d'une donnée brute, à une information puis à une connaissance, exige une qualification et une indexation de cette donnée brute pour l'associer à des univers de sens tangibles pour la prise de décision, et ça c'est pas encore automatique, même si les technologies basées sur le Natural Language font de grands bons en avant.
Les plateformes standard de veille et de monitoring offrent des possibilités de mesure extraordinaire de nos jours, elle rendent compte très facilement des grands phénomènes et des grandes tendances, et permettent de disposer de métriques précises pour mesurer le développement d'un sujet dans le temps.
Dans le jargon, on parle de Tags et de plan de Tag.
Lorsqu'elles sont enrichies par le travail de qualification et d'indexation via des Tags, ces plateformes sont encore plus puissantes et deviennent quasiment exhaustives dans leur capacité à nous fournir les bons chiffres pour mesurer correctement les phénomènes observés dans les espaces publics, ouverts à la récupération des données.
Pour les phénomènes où l'essentiel des échange se passe en zone protégée, comme les groupes Facebook ou les systèmes de messagerie comme whatsapp, ces outils sont malheureusement encore aveugles et doivent être compensés soit par de l'intelligence artificielle pour de l'extraction automatique via scrapping, soit par du travail humain.
#3 Le processus d'analyse et de compréhension :
Ce processus permet de contextualiser les phénomènes observés, et de recouper différents sujets et thèmes de veille pour avoir une perspective plus global de la situation pour être en mesure de décoder les différents enjeux en cours.
Si le deuxième processus est correctement réalisé, vous disposez de toute la donnée brute qualifiée pour réaliser ce troisième processus, il reste à ce stade à qualifier la nature des sources selon leur puissance et selon des critères propres à votre activité ou à votre lecture de l'environnement pour analyser le phénomène observé sous différents angles.
Cette qualification doit se faire avec la même rigueur que celle de la qualification des données brutes récoltées, et doit permettre de renforcer également le processus de mesure précédent : qui publie le plus et qu'est-ce que ça nous apprends sur les acteurs et les forces en présence ?
A ce stade vous disposez des informations pour répondre avec pertinence à la question substantielle suivante : de quoi le phénomène que nous observons ou la crise que nous vivons porte réellement le nom ? Qu'est-ce qui se joue réellement au delà de ce qui est observable à la surface et à la première analyse ?
Les bons dispositifs de veille incluent généralement des équipes externes aux entreprises pour enrichir la perspective de lecture, notamment lorsqu'il s'agit de suivre des phénomènes sociaux complexes.
Une salle de communication de crise enrichie par des professionnels externes, qualifiés pour décoder les réactions sociales (sociologues, anthropologues, hommes de l'art etc.) et un dispositif technique qualifié et capable d'alimenter l’analyse et la formulation des hypothèses de compréhension de la situation, est une salle de crise utile et capable de produire des scénarios de décision viables.
#4 Le processus de décision :
Ce processus s’appuie sur les précédents, il est intimement lié à l’organisation et à la culture de l’entreprise bien évidemment.
La partie technique du dispositif de veille ne supporte pas ce processus, elle l’alimente en données et en informations avérées et utiles pour la prise de décision, d'où l'importance de réussir les trois premiers processus.
Elle permet cependant à travers sa capacité de mesure instantanée de donner la température réelle du contexte au moment de la prise de décision.
La prise de décision dépend d'une équation multivariée de facteurs et de paramètres, notamment de facteurs émotionnels et de facteurs liés aux enjeux personnels des dirigeants, mais également de la nature des risques associés aux phénomènes observés et suivis par la veille et le monitoring.
Un dispositif de veille et de monitoring efficace doit inclure dans cette phase des gardes fous et des facteurs facilitateurs à la prise de décision en connaissance des conséquences potentielles pour éviter les dérapages et le filtrage par des enjeux qui peuvent être au contraire, catalyseurs de la dégradation de la situation.
#5 Le processus d'action :
L’action se passe en dehors du dispositif de veille, ce processus a pour finalité de piloter dynamiquement le feed-back de l’environnement en réaction aux actions mises en œuvre, et de nourrir les décideurs en signaux pour leur permettre d’ajuster leur action.
A ce stade, l’enjeu est de réussir la qualité de l’exécution, et d’anticiper les différents scénarios de réaction.
Un des rôles majeurs du dispositif de monitoring à ce moment est de mettre à disposition un tableau de bord utile et synthétique de la situation et des réactions aux initiatives ou non-initiatives décidées pour faciliter la communication entre les différents décideurs et acteurs dans l'entreprise : un référentiel de lecture partagé de la réaction de l'environnement facilite grandement la gestion de la situation et augmente les chances de bien réagir.
Aborder la veille et le monitoring en processus plutôt qu'en technologies et en fonctionnalités change la perspective du sujet et permet de situer le dispositif à sa juste place à chaque moment, ce dispositif ne peut bien évidemment être décoléré du dispositif plus global de gestion crise lorsqu'il existe de manière consciente et formalisée dans l'entreprise.
Lorsque nous auditons les dispositifs de veille et de monitoring, c'est généralement à travers ce prisme que nous le faisons, et face à des décideurs, le message est plus facile à faire comprendre qu'en jargon métier et technique.